Depuis plus d’une quinzaine d’années, je mets en relation photographie et gravure dans un travail sur le paysage dont l’eau est un élément constitutif. D’abord inspiré par une forêt, située sur d’anciennes carrières souterraines qui ont fragilisé les sous-sols, et provoqué de surprenants effondrements inondés, chaotiques paysages, il s’est ensuite resserré sur des objets plus modestes : flaques d’eau, petits ruisseaux. L’eau silencieuse, stagnante, miroir offert à l’infini, et l’eau murmurante, en flux, qui s’écoule… Puis de petits tourbillons en cours de formation et de dissolution, renvoyant, avec un certain vertige, à d’autres éléments, de l’univers, parfois infiniment petits, parfois infiniment grands.
À la mesure du sentiment de présence au monde ou de désorientation que me procure la perception de ces micros-paysages, je tente parfois de leur conférer une importance, en gravant de grandes planches de métal. Je conjugue alors deux échelles de travail : celle du corps, comme pour plonger dans l’image, et celle du geste de la main, pour préciser d’infimes détails. J’associe parfois des figures humaines, ou leurs reflets, ou les projections de leurs reflets qui deviennent alors de sombres silhouettes, prises dans la danse lumineuse et fugitive des dessins de l’eau. Étrange théâtre d’ombres, perte de repères.
Quelque chose de plus tellurique rentre à présent dans mon travail.
Ainsi que des questionnements sur les secousses de notre monde…